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RDC/Flambée du Franc Congolais : Entre Opportunité et Mauvaise Foi des Opérateurs Économiques

L’appréciation spectaculaire et récente du Franc Congolais (CDF) face au dollar américain suscite de vifs débats et interrogations en République Démocratique du Congo, et plus particulièrement à Bukavu. Si un tel phénomène est généralement perçu comme un signe de santé économique, l’objectif premier derrière cette poussée serait, selon les analystes, d’inciter les opérateurs économiques à fixer le prix de leurs produits directement en CDF, une démarche cruciale pour la souveraineté monétaire nationale.

Cependant, la logique économique classique d’une appréciation monétaire semble être mise à rude épreuve sur le terrain congolais.

Théoriquement, une monnaie nationale plus forte devrait entraîner une baisse progressive et proportionnelle du prix des produits importés. L’achat à l’étranger devient moins coûteux en monnaie locale.

La « Mauvaise Foi » de Bukavu

C’est là que le bât blesse. À Bukavu, souvent qualifiée d’« autre République » par la population, les opérateurs économiques sont pointés du doigt pour leur mauvaise foi. Ils profitent déjà de l’appréciation pour acheter leurs marchandises à l’étranger à un coût réduit, mais maintiennent obstinément les prix de vente antérieurs sur le marché local. L’unique motivation : maximiser les marges bénéficiaires en profitant de l’absence criante d’un mécanisme de contrôle efficace de la structure des prix.

Un cas concret illustre cette distorsion. Une mère de famille ou une petite commerçante, dont le capital de départ était de 29 000 CDF (équivalent à environ 10 USD) il y a deux semaines, se retrouve aujourd’hui avec l’équivalent de 12 ou 13 USD. En maintenant son coût d’achat au Rwanda à 10 USD, elle réalise un surplus épargné de 2 à 3 USD. Si ce surplus représente son profit antérieur, la logique voudrait qu’elle révise à la baisse son prix de vente pour rester compétitive.

Conséquences et Mécanismes de Marché

Bien que la mauvaise foi soit généralisée, le marché finira par opérer des ajustements. Lorsque certains vendeurs, par rationalité ou nécessité, commenceront à réviser leurs prix à la baisse, les consommateurs, dont le pouvoir d’achat théorique a augmenté, se dirigeront naturellement vers les étals les moins chers. Les autres opérateurs seront contraints de s’aligner ou de perdre leur clientèle. Il y aura, comme toujours, des gagnants et des perdants.

Un Phénomène à Double Tranchant

Normalement, l’appréciation du CDF devrait se traduire par :

  • Une augmentation du pouvoir d’achat des consommateurs.
  • Une diminution du coût de la vie.
  • Une baisse du poids de la dette en dollars de l’État.

Cependant, les bénéfices pour l’État, comme le règlement de la dette, pourraient être contrebalancés par d’autres effets, tels que la diminution de la valeur des impôts payés en dollars, et à long terme, la possible diminution des exportations rendues plus coûteuses.

L’Ombre de la Volatilité Future

L’inquiétude majeure réside dans la pérennité de cette appréciation. Faute de mesures concrètes et d’une volonté politique forte d’assainir l’environnement économique et de contrôler les prix, les analystes craignent un retour de manivelle. « Cette situation risque de ne pas durer », préviennent-ils, attribuant cette instabilité potentielle au manque de sérieux et de rigueur des dirigeants congolais.

En attendant, le conseil aux ménages reste la prudence : maintenir une partie de ses avoirs en dollars et faire preuve de rationalité dans les dépenses en CDF pour naviguer au mieux dans cette période d’incertitude et de spéculation. Le défi pour le gouvernement congolais est clair : transformer cet élan monétaire en un bénéfice réel et durable pour le consommateur, en brisant le mur de la spéculation et de l’incivisme économique.

Rédaction

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