Analyse du jour

RDC-Économie : Face au dollar, le Franc Congolais se revampe, même dans les zones de conflit

Le vent semble tourner sur le marché des changes en République Démocratique du Congo. Face à la toute-puissance du dollar américain, le Franc Congolais (FC) affiche une appréciation notable, et ce, de manière surprenante, y compris dans les villes de Goma et Bukavu, partiellement affectées par les tensions du M23-AFC. La stratégie monétaire mise en place par le Gouverneur de la Banque Centrale du Congo (BCC), M. André Wameso, semble connaître des répercussions positives tangibles.

Ce samedi 11 octobre, sur le marché public de Nyawera, commune d’Ibanda à Bukavu, le dollar s’échangeait à un taux oscillant entre 2300 et 2600 FC. À Goma, la tendance était similaire, variant entre 2400 et 2600 FC le dollar, selon notre correspondant local. Cette nette appréciation est un fait indéniable, d’autant plus que, fin septembre, un dollar se transigeait encore entre 2800 et 3000 FC sur le marché parallèle.

Si cette tendance se maintient, l’on pourrait assister à une dégringolade du billet vert, qui pourrait franchir la barre symbolique des 2000 FC.

Le sado-machiavélisme monétaire révélé ?

Cette embellie relance le débat sur les causes profondes de la dévalorisation historique du Franc Congolais. Certains observateurs se demandent si la dépréciation passée ne cachait pas une politique aux relents « sado-machiavéliques », résultant d’une manipulation malveillante ou d’une incompétence financière inadmissible. Incontestablement, les citoyens ordinaires, ayant payé un prix incommensurable, se sont appauvris.

Le recours systématique au dollar US comme valeur refuge par les Congolais, un comportement cynique et méfiant à l’égard de leur propre monnaie, ne serait donc pas anodin et témoignerait d’une perte de confiance historique.Le marché de changes informel, nouvel eldorado des cambistesIronie de la situation : à Bukavu et à Goma, aucune banque n’est actuellement fonctionnelle sur ordre de Kinshasa, et aucun bureau de change officiel n’est ouvert. Le marché est entièrement parallèle et informel, contrôlé par des cambistes souvent regroupés en association pour faciliter les transactions.

Cette conjoncture offre une opportunité singulière aux cambistes, qui ne se plaignent pas de la rareté de la circulation du FC. Malgré l’occupation rebelle et la fermeture des institutions publiques, la décision de M. André Wameso a eu un effet psychologique remarquable sur le marché, provoquant cette surchauffe et cette fluctuation qui obligent les cambistes à être sur leur qui-vive. On observe même que certains commerces ont ajusté les prix des biens à la baisse, respectant les directives implicites de la BCC. Cependant, la cupidité de certains opérateurs économiques demeure, manipulant le taux à leur guise au détriment des acheteurs.

La BCC et la « Solution à $50 millions »Pour rappel, la BCC, seule autorité émettrice de la monnaie, a adopté des mesures techniques de resserrement et d’assouplissement du taux directeur, accompagnées d’une injection ponctuelle de devises pour stabiliser le FC. L’effet le plus palpable de ce « plan de retrait de liquidité » a été la création d’une rareté du FC sur le marché, entraînant par ricochet un affermissement et une appréciation significative de la monnaie nationale.

Ceci amène à une question : si une injection de seulement 50 millions de dollars peut susciter un tel espoir et mobiliser de tels leviers, pourquoi les gouverneurs précédents se sont-ils « procrastinés » d’utiliser de tels outils ?

Consolider durablement le Franc Congolais

Malgré l’embellie, la fragilité du FC face aux devises étrangères persiste. L’économie congolaise peine à s’industrialiser et à se diversifier, restant largement dépendante des importations pour ses biens essentiels.

Pour une consolidation durable du Franc Congolais, une synergie est indispensable. Les ministères d’accompagnement (Économie, Finances, Budget, Industrie, Commerce extérieur, PME, Agriculture et Affaires sociales) devront s’inscrire dans la même logique que M. Wameso.

Il est impératif d’éduquer et d’encadrer les Congolais à s’approprier leur monnaie nationale, à en être fiers et à lui redonner sa primauté. La BCC devrait promouvoir une campagne médiatique soutenue prônant le civisme monétaire et l’interdiction de l’usage des devises étrangères pour l’achat de biens et services. L’usage de toute devise étrangère en RDC, est un fait, dévalorise le FC.

Enfin, en tant qu’autorité de réglementation financière, la BCC devra innover en régulant drastiquement et en restructurant rationnellement le marché financier, dont la base est manifestement contrôlée par des structures parallèles informelles, voire mafieuses.

Par Bamatembera Bashonga Alexandre Directeur éditeur d’Echo du Congo

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