Bukavu

Ubuntu comme fondement du vivre-ensemble : Analyse du message de l’Inspecteur Général de la Gouvernance, Amani Kabasha Babu, à l’UOB et à l’ISTM Bukavu.

Lors d’une conférence-débat organisée conjointement à l’Université Officielle de Bukavu (UOB) et l’Institut Supérieur des Techniques Médicales (ISTM), l’Inspecteur Général à la Gouvernance a développé une réflexion approfondie sur la philosophie Ubuntu, présentée comme un levier essentiel pour la reconstruction du tissu social et la promotion de la cohésion intercommunautaire en République Démocratique du Congo (RDC).

Le contexte sociopolitique du Sud-Kivu demeure marqué par des tensions interethniques, des manipulations identitaires et des fractures sociales héritées de plusieurs décennies de crises. Dans ce cadre, les institutions universitaires jouent un rôle déterminant dans la formation d’une élite capable d’impulser une gouvernance responsable et un leadership fondé sur des valeurs éthiques.

La conférence du 27 novembre organisée à l’UOB et à l’ISTM s’inscrit dans une série d’activités de réflexion citoyenne menées la même semaine dans plusieurs institutions académiques de Bukavu. Avant et après l’exposé central de l’Inspecteur Général, d’autres intervenants de haut rang ont contribué à enrichir la réflexion, notamment le Gouverneur de la Province du Sud-Kivu, Patrick Busu Bwa Ngwi Shombo, qui a replacé la discussion dans le cadre provincial de la cohésion sociale, ainsi que le Professeur Ndushabandi Eric, spécialiste des dynamiques sociopolitiques, qui a apporté un éclairage scientifique et analytique sur la philosophie Ubuntu.

Cette activité fait suite à deux rencontres similaires : la première, organisée le lundi 24 novembre précédent à l’ISP Bukavu, dans la grande salle de la même institution, et la seconde à l’ISDR-UCB, le mercredi 26 novembre, dans l’amphithéâtre de l’ISDR. La tenue successive de ces conférences traduit la volonté commune de mobiliser la jeunesse universitaire autour des enjeux de citoyenneté, d’unité nationale et de gouvernance éthique.

Comprendre Ubuntu : une anthropologie relationnelle

L’Inspecteur Général a rappelé que Ubuntu signifie littéralement “faire humanité ensemble”, exprimant l’idée que l’individu n’existe pleinement qu’à travers ses relations avec les autres. Cette conception relationnelle de l’être humain occupe une place centrale dans de nombreuses traditions africaines.

Dans sa dimension conceptuelle, Ubuntu renvoie à :

  • la reconnaissance de la dignité humaine partagée ;
  • l’interdépendance entre les membres d’une communauté ;
  • l’obligation morale de solidarité et de respect mutuel ;
  • une vision collective du destin social et politique.

L’Inspecteur Général inscrit ainsi Ubuntu dans une perspective qui dépasse le simple cadre coutumier pour en faire un paradigme moderne du vivre-ensemble, susceptible d’inspirer un nouveau modèle de gouvernance.

Ubuntu face au tribalisme : un cadre de résistance citoyenne

Une partie substantielle de son intervention fut consacrée à la dénonciation du tribalisme, identifié comme l’un des principaux obstacles à la paix et à la cohésion nationale. Selon lui, certaines élites politiques, entrepreneurs identitaires et groupes armés ont, au fil du temps, construit des logiques d’opposition visant à diviser les communautés, à stigmatiser l’altérité et à instrumentaliser l’identité pour renforcer leur pouvoir.

Le tribalisme opère notamment à travers :

  • l’opposition systématique entre “nous” et “eux” ;
  • la disqualification de l’autre sur base de son origine, de son ethnie ou de sa langue ou simolement de son faciès ;
  • la reproduction de cycles de conflits localisés ;
  • l’instrumentalisation de l’identité comme ressource politique.

Face à ces dynamiques destructrices, Ubuntu apparaît comme une doctrine éthique de résistance, un référentiel permettant de déconstruire les préjugés, d’encourager la solidarité intercommunautaire et de promouvoir un humanisme africain renouvelé.

Le rôle stratégique de la jeunesse universitaire

L’Inspecteur Général a insisté sur le rôle crucial de la jeunesse intellectuelle dans la construction d’un vivre-ensemble durable. Les universités sont, selon lui, des espaces de formation citoyenne où se forge une conscience collective capable de transformer les pratiques politiques, sociales et communautaires.

Les étudiants et le corps académique sont ainsi appelés à :

  • promouvoir une culture de paix et d’inclusion ;
  • combattre les préjugés ethniques en milieu universitaire ;
  • diffuser un discours d’unité et de fraternité ;
  • devenir des acteurs engagés dans la gouvernance éthique et responsable.

Dans cette dynamique, sous l’impulsion de l’Inspecteur Généra, Philemon Mayele Toto, Conseiller à l’implantation du Département de la Mobilisation, Formation ideologique des cadres et Implantation du mouvement – dirigé par Désiré Rukomera – a appelé les étudiants à traduire concrètement la philosophie Ubuntu dans leur vie quotidienne et dans leurs milieux d’influence. Il a encouragé la création d’un Club Ubuntu, conçu comme un espace d’expression citoyenne, d’éducation à la paix et de vulgarisation des valeurs d’humanisme, de solidarité et de vivre-ensemble entre communautés.

L’initiative a rencontré un enthousiasme immédiat : le Club Ubuntu a été créé séance tenante à l’ISDR le lundi 24 novembre, puis à l’UOB, démontrant la volonté de la jeunesse universitaire de s’approprier activement cette vision. L’équipe de l’implantation est invitée par les étudiants de l’ISP pour le même exercice, celui d’implanter le club Ubuntu ISP.

Le message délivré par l’Inspecteur Général constitue une contribution majeure au débat contemporain sur la cohésion nationale en RDC.
En proposant Ubuntu comme fondement éthique et politique du vivre-ensemble, il rappelle que la reconstruction du pays repose sur la valorisation de la dignité humaine, la solidarité, l’inclusion et la lutte contre toutes les formes de division.

La tenue successive de ces activités à l’ISP, à l’ISDR-UCB puis à l’UOB-ISTM illustre une dynamique interinstitutionnelle forte, visant à inscrire durablement cette réflexion dans l’espace universitaire. En mobilisant les autorités provinciales, les experts universitaires et la jeunesse intellectuelle, ces rencontres contribuent à renouveler les bases de la cohésion sociale dans le Sud-Kivu et, au-delà, en République Démocratique du Congo.

C.T. Bienvenu Gilbert Nzungu Nzungu Yumbi
Chercheur – Independant et Cadre du Mouvement, Bukavu, RDC

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