La mise à l’écart de Salomon Kalonda est clairement un coup dur pour Moïse Katumbi à quelques mois des élections de décembre. Salomon Kalonda est sans doute le plus proche conseiller, et homme de confiance de l’ancien gouverneur depuis plus de 20 ans. Salomon Kalonda s’est notamment occupé des enfants de Moïse Katumbi à Bruxelles. Mais cet homme de l’ombre conseille surtout le célèbre homme d’affaires dans ses nombreuses sociétés, mais aussi au sein de son club de football, le TP Mazembe dont il assure la direction financière. Omniprésent, il accompagne Moïse Katumbi dans tous ces déplacements.
Salomon Kalonda connaît également très bien l’ensemble de la classe politique congolaise, notamment Félix Tshisekedi, pour avoir été de tous les combats de l’opposition et de toutes les négociations. Il a été très proche de Fortunat Biselele et Jean-Claude Kabongo, les deux hyper-conseillers du président Tshisekedi, aujourd’hui tombés en disgrâce. Mais Salomon Kalonda est avant tout le passage obligé pour accéder à Moïse Katumbi, une « porte d’accès » et une « courroie de transmission incontournable » pour faire passer les messages à l’ancien gouverneur de la riche province minière. Les tractations secrètes et diplomatiques de l’homme d’affaires n’ont aucun secret pour lui.
La mise à l’écart de Salomon Kalonda risque donc de compliquer la candidature de Moïse Katumbi à la présidentielle. En interne tout d’abord, pour le bon fonctionnement de la campagne électorale, mais aussi sur le front politique. Car en accusant Salomon Kalonda de collusion avec le Rwanda, qui soutient les rebelles du M23, le gouvernement fait passer un message, qu’il distille déjà depuis plusieurs semaines, selon lequel le président d’Ensemble n’aurait jamais dénoncé « l’agression du Rwanda », ni jamais « critiqué Paul Kagame », le président rwandais. Sur France 24, le très porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, avait déclaré que « l’un des candidats, celui d’Ensemble, n’a pas clairement cité le Rwanda depuis le début de la crise ». Si Moïse Katumbi a clairement soutenu l’armée congolaise « qui se bat avec courage face aux M23 », le patron d’Ensemble a toujours été très prudent vis-à-vis de Kigali, notamment en déclarant sur Twitter que « la guerre n’apporte jamais de solution ». Un tweet largement critiqué par les soutiens du chef de l’Etat.
L’accusation de « trahison » de Salomon Kalonda tombe à point nommé pour les pro-Tshisekedi à la veille d’une campagne électorale qui s’annonce à couteaux tirés entre majorité et opposition. Visiblement, le camp présidentiel cherche à faire de Moïse Katumbi « le candidat de Kigali ». Un argument de campagne choc qui pourrait bien faire mouche alors que le conflit est toujours dans l’impasse dans l’Est du pays, où plus de 6,2 millions de déplacés sont réfugiés à l’intérieur de leur propre pays. La collusion avec Kigali tend à devenir le meilleur moyen d’écarter les opposants politiques ou les entourages encombrants. En attendant, le conseiller de Moïse Katumbi pourrait bien rester un certain temps entre les mains de la justice, à l’instar des ex-conseillers présidentiels Fortunat Biselele, ou de François Beya, accusés eux aussi « d’intelligence avec l’ennemi », qui sont en prison ou en « exil médical » depuis plusieurs mois. Ce week-end, Salomon Kalonda a été transféré à la prison militaire de Ndolo. Ce que dénoncent ses avocats, qui n’ont toujours pas pu le rencontrer.
Christophe Rigaud