A 6 mois des élections, l’opposition continue de réclamer un scrutin crédible et transparent. Ce lundi, c’est Martin Fayulu qui est monté au créneau pour demander de revoir le fichier électoral et de le faire auditer par un cabinet indépendant. Le candidat malheureux des élections de 2018 a dénoncé des opérations d’identification des électeurs réalisées « dans l’opacité la plus totale ». « Le chiffre de 43,9 millions d’électeurs donné par la CENI est totalement faux, a fustigé l’opposant. Il y a dans ce chiffre des millions de fictifs, c’est à dire des noms fabriqués, des personnes décédées, des mineurs et d’autres personnes qui ne peuvent pas être électeurs ».

Martin Fayulu n’est pas le seul à dénoncé un processus d’enregistrement des électeurs douteux. L’Eglise catholique (CENCO), qui a envoyé des observateurs pour surveiller le processus d’enrôlement, est elle aussi très sévère à l’encontre de la Commission électorale (CENI) qui « n’a pas mené ces opérations avec transparence et professionnalisme ». Les observateurs ont découvert des centres d’inscription fantômes ou du matériel électoral sensible qui se trouvait « entre les mains d’individus n’en ayant pas qualité ». La conséquence pour Martin Fayulu est que « la loi sur la répartition des sièges (à l’Assemblée et au Sénat, ndlr) est basée sur un fichier électoral corrompu ».

Depuis des mois, l’opposition est vent debout contre le processus électoral en cours qu’elle estime « instrumentalisé » dans le seul objectif de faire réélire le président Félix Tshisekedi pour un second mandat. La nomination contestée des juges de la Cour constitutionnelle, l’absence de représentants consensuels de l’opposition au sein de la Commission électorale sont autant de lignes rouges dénoncées par l’opposition. Martin Fayulu a décidé de marqué les esprits en annonçant ce lundi ne pas vouloir présenter de candidats « à tous les niveaux des élections, tant que le fichier électoral ne sera pas refait dans la transparence et audité par un cabinet extérieur compétent ».

Le timing de la sortie médiatique de Martin Fayulu n’est pas le fruit du hasard. Dans quelques jours, le 26 juin, s’ouvre les dépôts de candidatures pour les députés nationaux qui s’achèvera le 13 juillet. La menace d’un boycott du scrutin permet donc au président de l’Ecidé de mettre la pression sur le président Tshisekedi, mais aussi sur la communauté internationale après le refus de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) d’auditer le fichier électoral faute de temps. Il met ainsi les partenaires internationaux de la RDC devant leur responsabilité. L’opposant continue également de douter de la tenue du scrutin dans les délais. La guerre à l’Est et le manque de financement de la CENI entretiennent le flou autour du scrutin de décembre.

Faut-il pour autant prendre la menace de boycott au sérieux ? Tout d’abord Martin Fayulu n’a pas déclaré qu’il ne serait pas candidat à la présidentielle. Il pose, certes, des conditions, mais on se souvient que lors des élections de 2018, Martin Fayulu avait déjà menacé de ne pas participer au scrutin dénonçant un fichier électoral contesté et l’utilisation de la machine à voter. La politique de la chaise vide constituerait également un risque important pour la survie politique de son parti. Enfin, la menace de boycott remet surtout en selle l’opposant dans un contexte de concurrence avec les autres candidats déclarés aux élections de décembre : Augustin Matata Ponyo, Delly Sesanga, Moïse Katumbi… et peut-être Denis Mukwege.

L’annonce de Martin Fayulu le remet au centre du jeu politique et oblige les autres opposants à se positionner. D’ailleurs le parti de Moïse Katumbi s’est immédiatement inscrit en faux dans la stratégie de boycott de Fayulu en déclarant qu’Ensemble présenterait bien des candidats à tous les postes. Preuve que l’unité de l’opposition n’est pas pour demain. Du côté du gouvernement on prend le coup de pression de Fayulu avec sérénité. « L’histoire se répète » pour le porte-parole de l’exécutif Patrick Muyaya. « On ne voulait pas de la machine à voter, finalement c’est la machine à voter qu’on a adoré après. On ne voulait pas du fichier, finalement on a participé… Notre travail comme gouvernement est d’assurer la sécurité et le financement du processus et le reste appartient à la CENI ».

Christophe Rigaud

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