Candidat naturel contre Félix Tshisekedi à la présidentielle, Martin Fayulu avait entretenu un long suspens sur sa possible participation au scrutin du 20 décembre. Depuis juin dernier, beaucoup se demandait si le candidat malheureux de la présidentielle de 2018 n’avait pas décidé de jeter l’éponge et de boycotter le scrutin dont il juge le fichier électoral frauduleux et la Commission organisatrice (CENI) tout acquise à la réélection de Félix Tshisekedi. Pour faire pression sur la CENI et obtenir un nouvel audit du fichier, qui contiendrait, selon Martin Fayulu, « 10 millions d’électeurs fictifs », le patron de l’Ecidé avait demandé à son parti de ne pas présenter de candidats aux législatives nationales et provinciales. Depuis cette date, l’opposant laissait planer le doute sur sa candidature à la présidentielle.

Si Martin Fayulu martelait qu’il ne boycottait pas les élections, cette stratégie kamikaze avait fait grincer des dents chez ses principaux lieutenants, qui se retrouvaient ainsi privés d’un possible mandat à l’Assemblée nationale et dans les Assemblées provinciales. La date du dépôt des candidatures passée, bon nombre de ses partisans se demandaient comment Martin Fayulu pouvait encore se présenter à la magistrature suprême sans député pour défendre sa politique au Parlement ? Beaucoup pensaient également que Martin Fayulu n’avait pas forcément les moyens financiers pour battre campagne et laisserait passer son tour, quitte à proposer un ticket avec un autre candidat. Ses deux soutiens de 2018, Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi, ne sont, en effet, plus à ses côtés pour financer meetings et déplacements. Le premier avait choisi de soutenir la réélection de Félix Tshisekedi, et le second de présenter sa propre candidature à la présidentielle.

Ce samedi, Martin Fayulu a dû faire preuve d’une certaine inventivité pour justifier sa candidature à la présidentielle, alors qu’il a privé d’élection les cadres de son parti. A l’Ecidé, certains estiment avoir été « sacrifiés » par le radicalisme de leur patron. Car depuis juin, la posture irrédentiste de Fayulu pour forcer la CENI à procéder à un nouvel audit n’a pas porté ses fruits, et le fichier électoral que Fayulu jugeait « frauduleux » n’a pas été modifié. Pourtant, le tout nouveau candidat à la présidentielle estime que la pression a bien payé. « Nous n’avons pas eu la transparence par l’audit du fichier électoral, nous l’aurons dans la surveillance des élections » s’est justifié le candidat Fayulu. Plusieurs missions, notamment de l’Eglise catholique ou de l’Union européenne sont annoncées pour observer le scrutin. La CENI est également revenue sur la publication des résultats « bureaux de vote par bureaux de vote » qui permettra un meilleur contrôle avant la compilation des bulletins de vote par la centrale électorale.

La nouvelle de la candidature de Martin Fayulu a été diversement accueillie. Certains dénoncent le manque de cohérence du patron de l’Ecidé qui décide de boycotter les législatives tout en se présentant à la présidentielle. Un choix difficilement compréhensible alors que la nomination du Premier ministre doit être issue de la majorité à l’Assemblée. Lors de sa conférence de presse de déclaration de candidature, Martin Fayulu a répondu par une pirouette à l’absence de députés de son camp à l’Assemblée en affirmant que « la majorité des candidats députés battront campagne pour Fayulu ». Un argument bien peu convainquant.

Pour une simple question de survie politique, Martin Fayulu n’avait pas d’autres choix que de présenter sa candidature à la présidentielle et éviter d’être le grand absent du scrutin de décembre. Lorsque le président de l’Ecidé décide en juin dernier de ne pas présenter ses membres à la députation nationale et provinciale, Martin Fayulu espère créer un électrochoc et emmener les autres poids lourds à le suivre. Un boycott général des législatives par les principaux opposants, Katumbi, Matata, Sesanga, aurait sans doute pu faire bouger les lignes et faire plier la CENI. Seulement voilà, Martin Fayulu s’est retrouvé bien seul à défendre sa stratégie.

« L’aigle » Fayulu était condamné à entrer dans la course pour pouvoir encore peser sur l’échiquier politique congolais. Le candidat malheureux de 2018 sait que rien n’est encore joué à trois mois du scrutin. Denis Mukwege est en passe de franchir le rubicon et de se déclarer (ou pas) lundi. Moïse Katumbi devrait également finaliser sa candidature en début de semaine. Se jouera, alors, le temps des alliances avec les autres candidats de l’opposition, bien conscients qu’en multipliant les candidatures, ils offrent un boulevard à Félix Tshisekedi dans un scrutin à un seul tour. Reviendra, sans doute, sur la table, l’éternel débat d’un très hypothétique candidat unique de l’opposition, seule solution pour tenter de battre le président Félix Tshisekedi, dont son seul adversaire n’est pas l’opposition, mais son bien maigre bilan.

Christophe Rigaud – Afrikarabia/Ruzizilaplume

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