La question de la présence de l’armée rwandaise sur le sol congolais, en soutien à la rébellion du M23, est un secret de polichinelle que Kigali a toujours démenti. Pourtant, de nombreux rapports du groupe d’experts de l’ONU ont régulièrement documenté l’ingérence militaire du Rwanda en République démocratique du Congo (RDC). Depuis 1997, avec l’ADFL de Laurent-Désiré Kabila, en passant par le CNDP de Laurent Nkunda en 2008, puis au M23 version 2012 et version 2022, le Rwanda a soutenu militairement en hommes et en armes ces groupes armés, sans jamais le reconnaître publiquement. Officiellement, Kigali « n’a pas de troupes en RDC », comme le déclarait le ministre des Affaires étrangères rwandais Vincent Biruta en octobre 2023. Paul Kagame a toujours tourné autour de la question, sans jamais y répondre, renvoyant les causes du conflit à « un problème congolais ». Le président rwandais a pourtant tenté de justifier son possible soutien au M23 dans une récente interview à Jeune Afrique en dénonçant la présence des FDLR, composées d’ex-génocidaires, ou le discours de haine contre la communauté tutsie. Paul Kagame sait que la reconnaissance de la présence de ses soldats au Nord-Kivu voisin lui vaudrait le statut de pays agresseur, équivalent à celui de la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine.

En 2022, deux journalistes rwandais, Samuel Baker et John Ntwali, s’intéressent à la mort de soldats rwandais en RDC. Car si l’armée rwandaise est présente dans le conflit congolais auprès des rebelles du M23, que deviennent les soldats tués au combat ? Pour mener l’enquête, les deux journalistes traversent la frontière et se rendent à Goma pour y rencontrer un contact. A leur retour, Samuel Baker est arrêté et interrogé de manière insistante par la police. S’estimant menacé, il décide de quitter le Rwanda. Deux mois plus tard, John Ntwali meurt dans un accident de voiture suspect. C’est là qu’intervient le collectif Forbidden Stories qui reprend et poursuit les enquêtes des journalistes empêchés de travaille https://forbiddenstories.org/fr/tombes-dans-le-silence-en-republique-democratique-du-congo-les-morts-de-la-guerre-inavouee-de-paul-kagame/ 17 rédactions ont décidé de continuer ses enquêtes sur les critiques du régime de Paul Kagame. Surveillance, harcèlement, morts suspectes, trolls sur les réseaux sociaux, les abus du régime sont documentés dans une vaste série d’enquêtes intitulées : Rwanda Classified lire sur https://forbiddenstories.org/fr/projects_posts/fr-rwanda-classified/

Concernant la mort de soldats au Congo, qui validerait la présence de l’armée rwandais en RDC, Samuel Baker a collecté les messages annonçant le décès de jeunes militaires sur les réseaux sociaux. Avec l’équipe de Forbidden Story, le journaliste a pu recouper les identités, les dates de décès de 13 soldats rwandais morts en RDC. Des proches de ces militaires décédés ont été contactés et ont pu témoigner. A leurs questions sur le sort d’un frère ou d’un ami, les autorités rwandaises répondent simplement « qu’il est mort en service ». Les corps mettent d’ailleurs un certain temps à revenir au Rwanda. Des testaments ont également été retrouvés sur les dépouilles. « Kagame envoie des milliers de militaires en RDC, mais aucun ne rentre chez lui. Ils sont tous tués, malheureusement » estime Eugène Gasana, ancien ambassadeur du Rwanda auprès des Nations unies, en délicatesse avec Kigali. Selon l’enquête de Forbidden Story, « le nombre de militaires rwandais présents sur le territoire congolais oscillerait entre 3.000 et 5.000 hommes, quand les rangs du M23 compteraient entre 1.000 et 3.000 combattants ». A travers sa porte-parole, Kigali a fermement réfuté l’enquête qualifiée « d’allégations fausses et recyclées, à 6 semaines de la présidentielle? Ce n’est plus du journalisme, mais un travail de sape coordonné contre un État souverain ».

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