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Pourquoi les Américains se précipitent sur le cuivre et font exploser les cours

Le cuivre s’envole, porté par des tensions commerciales. L’anticipation de nouveaux droits de douane aux États-Unis alimente la spéculation, tandis que la faiblesse du dollar et la reprise chinoise renforcent la demande. Une flambée des prix qui bouleverse l’équilibre du marché et attise l’inquiétude des industriels.

Alors que l’or continue de battre des records, le cuivre s’impose aussi comme une valeur phare sur les marchés financiers. Jeudi dernier, son cours a dépassé les 10.000 dollars la tonne à New York, enregistrant une progression de près de 30% ces derniers jours par rapport à son niveau de début d’année.

Cette envolée des prix s’explique en grande partie par l’incertitude entourant les décisions politiques américaines, qui alimentent la spéculation et bouleversent les échanges internationaux.

Pour cause, le 16 février 2025, le président des États-Unis Donald Trump a signé un décret ordonnant au département du Commerce d’ouvrir une enquête pour « étudier les importations de cuivre »; souhaitant mettre fin à un « commerce déloyal » qui, selon lui, priverait les Américains d’emploi. Cette enquête, devait aboutir à une décision dans un délais initialement prévu de 270 jours.

Selon Bloomberg, citant une source proche du dossier, celle-ci devrait finalement paraître dans les semaines à venir. L’annonce, faite dans le cadre du Trade Expansion Act, constitue un préliminaire qui pourrait déboucher sur l’imposition de droits de douane dès le 2 avril, a précisé Trump devant le Congrès Américain début mars. »Un véritable stress sur le marché »L’incertitude autour des droits de douane « génère un véritable stress sur le marché », comme l’explique Olivier Lechevalier, cofondateur de DeftHedge, une plateforme financière spécialisée dans les matières premières.

Les industriels américains se prémunissent contre un risque de hausse subite des prix à l’achat sur ce métal précieux pour leurs productions : « Avec les menaces tarifaires, aux ֤États-Unis, on stocke ! », explique Pierre-Alexis Dumont, invité à l’antenne de BFM Bourse.Sur les quatre dernières semaines, les importations de cuivre vers les États-Unis ont bondi, atteignant un niveau inédit de 500.000 tonnes, soit près de sept fois leur volume mensuel habituel. Les États-Unis dépendent à environ 45% de ces importations pour leur consommation, le Chili étant le plus important fournisseur, représentant 41% des importations, suivi par le Canada à 27%. Une raison de plus pour les Américains d’anticiper les possibles taxes.

Outre les menaces douanières de Donald Trump, la faiblesse du dollar peut expliquer l’augmentation de la demande et la hausse des prix. Etant libellé dans cette devise, le cuivre devient moins coûteux pour les investisseurs dont la devise de référence n’est pas le dollar, quand le billet vert est bas. Depuis la mi-janvier, la devise américaine s’est affaiblie, par rapport aux autres grandes monnaies du groupe G10, le dollar index (DXY) évolue en baisse de 4%.

La Chine, assurant la moitié du raffinement mondial avec 12,3 millions de tonnes de cuivre raffinées en 2023, a fixé un objectif de croissance du PIB de 5% pour 2025 lors de son rapport annuel sur le travail gouvernement. Ce rapport, cité par Pepper stone, met en avant un renforcement des mesures de relance budgétaire ainsi qu’un engagement à stabiliser le secteur immobilier, et souligne aussi le soutien à la consommation, aux technologies et aux ajustements des politiques démographiques.

En tant que métal industriel clé et indicateur économique, le cuivre a bénéficié de l’optimisme suscité par ces perspectives de croissance, renforcé par les investissements liés à l’intelligence artificielle.

Par ailleurs, le cuivre est nécessaire pour la construction d’éoliennes, de panneaux solaires ou de batteries. Cinq fois plus présent dans une voiture électrique que thermique, le fil rouge est réputé pour être le métal phare de la transition énergétique.

Des écarts inédits entre Londres et New York Cette ruée vers le métal rouge a bouleversé l’équilibre du marché mondial. Par conséquent, la principale bourse des métaux de Londres, le London Metal Exchange (LME), a vu ses stocks fortement diminuer. De leur côté, ceux du marché Américain des matières premières à New York, le COMEX (Commodity Exchange), ont considérablement augmenté.

Aux États-Unis, les prix du cuivre ont augmenté de 30% depuis le début de l’année, soit 16 points de plus que ceux à Londres (14%) ; creusant un écart record de 1600 dollars la tonne entre les deux marchés.Entre autres, cette différence s’explique par : la demande explosive aux États-Unis, des tensions logistiques, ainsi qu’un réseau d’entrepôts plus restreints côté Américain, par rapport à Londres, qui bénéficie d’une couverture mondiale, d’après l’analyse d’Olivier Lechevalier.

Cet écart croissant est aussi le reflet des mouvements de traders et des fonds spéculatifs. Face aux incertitudes entourant le marché du cuivre, de nombreux investisseurs parient sur une envolée des cours, augmentant ainsi la pression sur les marchés. Les fonds spéculatifs profitent des opportunités d’arbitrage, achetant du cuivre là où il est le moins cher pour le revendre plus cher sur le marché Américain.

Des conséquences pour l’industrie mondiale Donald Trump appliquera-t-il ces droits de douane? Selon Ole Hansen, analyste chez Saxo Bank, cité par l’AFP, si la Maison Blanche décidait de ne pas imposer de taxes sur le cuivre, le cours du métal « pourrait être bouleversé de 10 à 12% en quelque secondes ». En revanche, si les droits de douane entraient en vigueur, les prix continueraient probablement de grimper avant de se stabiliser une fois la taxe de 25% appliquée.

Olivier Lechevalier estime cependant que Donald Trump appliquera bel et bien ces droits de douane : « Il ira au bout de ses idées. » Une décision qui pourrait entraîner des répercussions bien au-delà des États-Unis, affectant aussi les marchés européens et mondiaux. En augmentant le coût du cuivre importé aux États-Unis, ces mesures pourraient provoquer un redéploiement des flux commerciaux, entraînant une plus grande disponibilité du métal sur d’autres marchés, mais aussi une pression sur les prix et les stratégies d’approvisionnement des industriels.

À long terme, les entreprises américaines devront arbitrer entre acheter localement à un prix plus élevé ou continuer à s’approvisionner à l’étranger, en assumant le coût des taxes, selon Oliver Lechevalier. « Il y aura un effet de hausse dans un premier temps, quoi qu’il arrive », précise l’analyste. Toutefois, l’évolution des prix dépendra aussi des grands producteurs comme le Chili et le Pérou.

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