L'environnement

Scandale en RDC : Le Gardien de la Nature, l'ICCN, accusé d'être au cœur du trafic de Grands Singes

La gouvernance de la biodiversité en République Démocratique du Congo (RDC) traverse une crise institutionnelle majeure. Le Congo Basin Conservation Society (CBCS-Network), un réseau d’organisations de la société civile environnementale, a exprimé son indignation la plus absolue et exige des mesures radicales du gouvernement après la publication d’un rapport accablant de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction).

Dans une note de position adressée au gouvernement le 28 novembre 2025, la société civile dénonce l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), l’organisme national censé protéger la méga-biodiversité du Bassin du Congo, en l’accusant de se comporter comme un acteur et partie contribuant à l’érosion de cette biodiversité.

L’objet de la note de position est clair : une indignation profonde et exigence de mesures urgentes après le rapport de la CITES, suite à la dégradation alarmante du système national de conservation. La société civile met en cause l’implication directe et indirecte de l’ICCN dans le trafic d’espèces rares endémiques, notamment les Grands Singes.

Les organisations environnementales ont documenté plusieurs cas graves entre 2023 et 2025 qui, selon elles, confirment les dérives structurelles institutionnalisée par l’ICCN :

  • Scandale des Chimpanzés de Kinshasa : L’exportation de 9 chimpanzés du Zoo de Kinshasa vers le centre VANTARA en Inde, en juin 2024, est pointée du doigt. Le rapport CITES (SC78) remettrait en question la validité de cette exportation, soulignant l’incohérence des documents officiels et mettant en doute l’usage du code source C « bred in captivity » sans preuve de filiation conforme.
  • Volume suspect d’exportations : Entre juillet 2024 et juin 2025, un total de 2 272 animaux auraient été exportés vers l’Inde via la société TRADEMO, dont 1 017 singes, 846 oiseaux et 9 chimpanzés. Pour le CBCS-Network, cela prouve la mise en place d’un réseau national transfrontalier organisé.
  • Conditions inhumaines : Des cas de transferts de 12 bébés chimpanzés de Buta et Bili-Uélé en janvier et mai 2025 vers les zoos de Kinshasa et Kisangani sont cités. Ces bébés étaient cachés sous bâches bleues et souffraient de malnutrition sévère. De plus, l’ICCN est accusé de gérer environ 20 bébés chimpanzés dans des cages au Parc Présidentiel de la Nsele sans protocoles vétérinaires.

D’autres problèmes institutionnels sont soulevés, tels que les transferts d’animaux sans traçabilité conforme, les tarifications illégales (250 USD par tête pour certaines espèces) et l’implication dans l’exploitation minière illégale dans des zones protégées comme le Parc National de la Garamba.

La société civile estime que cette dérive manifeste, institutionnalisée, persistante et désormais documentée compromet les efforts de la RDC pour se positionner comme un pays-solution aux enjeux environnementaux. Le pays manque gravement à ses engagements pris en vertu de la Constitution (articles 53, 54, 55) et de la CITES.

Selon le CBCS-Network, cette situation révèle un effondrement institutionnel et juridique du système de conservation en RDC.

Face à ce constat, le regroupement d’organisations environnementales exige des mesures urgentes et exécutoires :

  • Fermeture de la Direction Générale de l’ICCN : Demande de fermeture administrative et immédiate de la Direction Générale de l’ICCN.
  • Transfert des compétences CITES : Réattribuer la fonction de la coordination CITES au Ministère de l’Environnement, du Développement Durable et Nouvelle Économie du Climat, ou à une autre structure appropriée.
  • Suspension administrative : Exiger la suspension administrative de tout cadre impliqué dans les documents ou autorisations mis en cause par le rapport CITES.
  • Commission Nationale Indépendante : Créer une Commission Nationale Indépendante de Traçabilité de la Faune, impliquant la société civile, les scientifiques, les juristes et les peuples autochtones.

Le regroupement prévient qu’à défaut d’action immédiate du Gouvernement, il se réserve le droit d’introduire une action en justice contre l’État congolais pour inaction et de saisir le Secrétariat CITES. Ces actes illicites, causant des dommages graves à l’environnement, devraient faire l’objet de poursuites judiciaires à titre d’écocide.

Par Alain KANYOMBO

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