Depuis un certain temps, les automobilistes et motocyclistes sont victimes de racket et de bavures policières. Comme si cela ne suffisait pas, les policiers ont élargi leur lot de victimes en faisant souffrir les chauffeurs de motos-taxis, plus précisément ceux qui travaillent le soir et ceux de la journée, comme les chauffeurs de Bajaji.

Dans le cadre des contrôles, ces policiers demandent le permis de conduire, la carte grise et l’assurance simultanément. Mais ce qui est inquiétant dans tout cela, c’est que même lorsque les papiers du chauffeur sont en règle, ils trouvent toujours un alibi pour soutirer de l’argent aux conducteurs.

Approchés par nos soins, les chauffeurs de motos-taxis nous expliquent que les policiers les arrêtent même à 18h et 19h, alors que l’autorité fixe l’heure limite de circulation nocturne à 21h00. Les policiers leur réclament de l’argent à tout bout de champ. Chaque jour, la somme qu’ils dépensent ainsi en faux frais peut atteindre 10 000 FC, soit plus de la moitié du versement quotidien de 20 000 FC tel que réclamé par les propriétaires des motos-taxis.

Mugisho Bulonza, chauffeur de moto-taxi et victime de cette pratique, nous confie que ce n’est pas un contrôle, dans la mesure où, avec ou sans papiers, le chauffeur est toujours confronté à une situation indésirable. Il ajoute : « C’est surtout à la descente du rond-point ISP et à la place de l’Indépendance que les chauffeurs évitent le plus de tomber sur des policiers d’une autre époque. Ils nous demandent de payer 5 000 FC avant de nous retourner nos pièces. »

Un autre chauffeur, au volant d’un moto-taxi Bajaji, Samuel Mugomoka, affirme à son tour que tous ses papiers étaient en règle, mais que cela n’a pas empêché les policiers de lui soutirer 2 000 FC au poste de contrôle de l’ISP Bukavu. « J’ai pris mon assurance et, le même jour, j’ai pris la vignette avec ma carte grise. Quand les policiers m’ont contrôlé, il s’est avéré que j’étais en possession de tous les documents de la moto. L’argument qu’ils ont avancé pour me soutirer de l’argent est que le poids des bagages ne répond pas aux normes. C’est faux, dans la mesure où eux-mêmes ne connaissent aucunement le poids normal à transporter. Tout ce qui les intéresse, c’est qu’on leur donne 2 000 FC », explique Samuel Mugomoka.

Un troisième chauffeur, Baraka, nous révèle qu’il doit payer 500 Fc à chaque point où sont postés les agents de la mairie. « Alors qu’il n’y a aucune infraction, on nous fait payer de 500 à 1500 Fc de stationnement à chaque passage. Le ridicule en est que si un chauffeur refuse de payer, ils utilisent la loi du plus fort pour dégonfler les pneus de la moto pour l’empêcher de partir», révèle-t-il.

La question qu’il faut se poser est de savoir si ces sommes collectées sont versées dans les caisses de l’État. Seuls ces policiers pourront réellement répondre à cette question. En tout cas, les chauffeurs de motos-taxis sont excédés par le racket des policiers de la circulation qui leur infligent ces taxes illicites, qui tournent au supplice. La population est également régulièrement confrontée à ces mauvaises pratiques.

Certes, les agents de la circulation routière doivent infliger des amendes lorsque les usagers sont en infraction au Code de la route, mais cela doit se faire dans les règles de l’art. Cependant, il s’agit en réalité de taxes illégales que dénoncent les conducteurs, reprochant aux policiers d’abuser de leur pouvoir. Ces pratiques policières, qu’elles soient une extorsion de fonds ou une forme de corruption, constituent dans tous les cas un délit puni par le Code pénal.

De l’autre côté, les agents reconnaissent parfois taxer les automobilistes lorsqu’ils sont en tort, mais ils ont du mal à admettre le prélèvement des taxes illicites. « Nous ne pouvons pas faire autrement, c’est comme une pratique implantée », témoigne Simba (son nom a été modifié), un des éléments de la police routière. Selon lui, tout le monde n’est pas prêt à reconnaître les amendes illégales. Seulement « environ huit sur dix n’ont pas leurs documents de bord. S’ils les avaient, ils auraient moins affaire à la police », se défend le policier.

C’est vrai qu’il est bon de se plaindre si l’on en éprouve le besoin, mais les usagers ne sont pas non plus irréprochables. La corruption se situe à deux niveaux : d’un côté, les motos-taxis ne sont pas en règle ; de l’autre, les policiers cherchent des petites infractions, notamment le délai d’assurance et la plaque, pour infliger des amendes illicites aux conducteurs.

Conscient des mauvaises habitudes des policiers, un autre agent de police qui a souhaité parler sous l’anonymat a condamné énergiquement cette pratique : « Nous avons décidé de sanctionner les coupables sur le terrain pour qu’au moins, les règles soient appliquées. Notre pays traverse des moments difficiles, mais nous ne pouvons pas continuer à tolérer que les policiers tracassent ainsi la population. Nous devons maintenir la discipline au sein de la police. De plus, il faut ajouter que les transporteurs doivent être en règle », résume le policier.

Certains chauffeurs prétendent vouloir abandonner le métier, car avec ou sans les papiers, il est très difficile de trouver le versement quotidien qui s’élève à 20 000 Fc. Face à ces tracasseries policières, beaucoup de chauffeurs refusent également de se mettre en règle, ayant en tête que leur passeport coûte 500 Fc à chaque point de contrôle. Mais sans le paiement des vignettes, de l’assurance et d’autres frais, comment alimenter les caisses de l’État ?

Alain Kanyombo

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